Église de Vattetot-sous-Beaumont
HISTOIRE(S)
EGLISES NOTRE
DAME DE LA NATIVITÉ
La paroisse de Vattetot-sous-Beaumont présente deux particularités. D’abord,
on sait que sous l’Ancien Régime on distingue un vicariat conféré par l’Archevêque
et un personnat présenté par le seigneur (et même le Roi au XIVème et XVIème
siècles) et qualifié parfois de chapelle Saint-Thomas ou seconde partie de la
cure. Pendant longtemps les prêtres nommés à ce personnat ne résidaient pas
dans le village et se faisaient représentés par le vicaire (ou un chapelain).
Ils touchaient toutefois les dîmes. On ne sait pas quand cette pratique a
cessé.
Ensuite à Vattetot sous Beaumont, il y avait une église paroissiale, mais aussi
une chapelle liée à la léproserie de Beaumont. Cette léproserie était commune
aux paroisses de Gonfreville-Caillot, Beuzeville, Bernières, Saint-Maclou,
Rouville, Mirville, Grainville, Imauville et Goderville. Elle s’étendait sur 13
ha situés au Beaumont. Pour l’anecdote, le titulaire de la chapelle devait à la
seigneurie du Tôt, à Gonfreville, en plus d’une rente, une paire d’éperons
blancs d’une valeur exacte de deux sous et six deniers. La lèpre disparue, en
1673, la léproserie et toutes ses appartenances furent remises à l’ordre de St
Lazare et un décret du 5 août 1701 attribua tous les biens à l’hospice du Havre
fondé en 1669 qui les garda jusqu’en 1878. Après un long procès avec M. de
Bailleul la chapelle est démolie en 1702.
Il est important de signaler cette chapelle car nous la retrouverons
ensuite …
On sait peu de chose sur l’église de Vattetot-sous-Beaumont avant 1641,
si ce n’est qu’elle existe déjà au XIIIème siècle et que la Sainte-Vierge en a
toujours été la patronne. On trouve ainsi souvent l’église sous le vocable de Sainte-Marie
et non Notre-Dame. La tradition raconte d’ailleurs que le chœur de l’église
était autrefois la chapelle d’un manoir voisin.
En 1641, d’importantes réparations sont faites au chœur de l’église. Il
faut savoir que de nombreuses églises du Pays de Caux ont connu de grands
travaux au début du XVIIème siècle. En effet, les guerres de religion,
violentes dans notre contrée, ont largement marqué les édifices religieux : saccages, dégradations faute de moyens (les seigneurs
locaux avaient à financer la guerre[1]), … Le
chœur est alors modernisé mais des traces du XIIIème siècle sont conservées
comme une belle fenêtre au fond de l’abside[2].
Les travaux du chœur vont ensuite être suivis par ceux de la nef.
Celle-ci est entièrement reconstruite sous l’impulsion de Jacques Pradon,
écuyer, prêtre et seigneur d’Isneauville, curé de la paroisse de 1657 à 1668.
Elle est terminée sous le ministère pastoral de son successeur, François de
Bailleul. Elle est totalement en pierre blanche, tirée selon l’Abbé Cochet, de
la même carrière que le chœur de Manneville-la-Goupil.
Un beau portail Renaissance est réalisé. Il comporte des décors
typiques issus de la Renaissance italienne[3] : pilastres doriques, oculus avec
décor floral et pots à feu (ces derniers ont disparu).

Cependant, dès 1708, l’église est en ruine, faute d’une toiture décente.
De nouveau des travaux sont entrepris.
En 1731, après la réfection de la toiture, le berceau (charpente en bois)
de la nef est refait, probablement sous la cure de l’abbé Guillaume-Aubin
Renard, d’ailleurs enterré dans le chœur en 1746. Il est remplacé par
Jean-Baptiste Bunel qui décède après seulement 4 années à
Vattetot-sous-Beaumont. C’est alors Jacques-Louis Grenet qui prend possession
de la cure, sous la présentation d’Alexandre de Bailleul. L’abbé Grenet est
important car c’est lui qui sera encore en charge de la paroisse à la
Révolution.
Avant la Révolution, l’abbé Grenet fait élever le clocher au-dessus de
l’entrée. La cloche sera changée à trois reprises : celle de l’abbé Grenet, probablement déposée à la Révolution, est
remplacée en 1823 par une fondue par Cartenet. Celle-ci est cassée en 1844 et
est à nouveau remplacée par l’abbé Cuquemelle. C’est également lui qui aménage
la cour du presbytère. En 1909, sous l’abbé Aubert, la cloche est à nouveau
fondue et refaite.
La Révolution laisse d’abord tranquille l’église. Aucun dégât majeur
n’est signalé, ni aucune exaction. Le curé en place, l’abbé Grenet, prête
serment. Il garde ainsi ses fonctions et continue d’officier à l’église.
Cependant, quand l’Etat Civil est déchargé des curés au profit des mairies (An
I de la République, soit 1792), l’abbé
Grenet se défait de son serment. Il n’est plus autorisé à officier et restant
sans curé, l’église est fermée 3 ans. Cela aurait pu « enterrer » la paroisse de
Vattetot-sous-Beaumont
d’autant que cette fermeture correspondait à l’ambition révolutionnaire de
supprimer un certains nombres (1/3) de paroisses pour, en partie, une raison
pratique que nous connaissons bien aujourd’hui : le manque de curé. Toutefois
Vattetot-sous-Beaumont ne connaîtra pas ce sort, gardant même jusqu’à ces
derniers temps un curé « à domicile ».
Mais reprenons le cours de nos travaux …
En 1868-1879, l’église connaît de nouveaux une grande phase de travaux : de nouvelles ouvertures sont
réalisées et une nouvelle sacristie, plus vaste, vient remplacer l’ancienne. A
cette occasion on fait disparaître l’ancienne baie du XIIIème siècle pour la
remplacer par une nouvelle, semblable aux autres. On en profite également pour
la rouvrir. En
effet, lors de son passage au début du XIXème siècle, l’abbé Cochet avait
constaté que la fenêtre du XIIIème s. était bouchée. On installe dans la baie nouvellement ouverte un beau vitrail dédié à
la Sainte-Vierge.
La sacristie est décorée de 3 vitraux représentant le Cœur de Notre Dame des 7 Douleurs, l’Autel et
l’Eucharistie et le Cœur de Jésus transpercé.
Tous les travaux sont financés par des quêtes auprès des paroissiens et
surtout parmi les Parisiens d’Etretat.
Graffito (graffiti au pluriel) provient de l’italien graffiare,
griffer. Les graffiti sont donc des mots, des noms ou des dessins
"griffés" dans un support tendre comme la pierre ou le bois, non
destiné à cet usage au départ. Sur les murs des châteaux, des églises ou sur
des rochers, tous sont fortuits : ils ont été gravés par des gens de passage en
signe d’humeur ou de revendication, par désir de laisser une trace de leur
passage, par acte religieux, … L’homme laissait ainsi une trace de sa présence,
d’un moment de son existence et de sa personnalité, son métier, sa croyance,
son opinion, sa passion…
Ainsi, depuis les années 1950 un
intérêt particulier leur est porté car on a compris que ce sont des témoignages
historiques d’anonymes, de gens des villages.
N’avez-vous pas eu, vous, l’envie un jour de graver le nom de votre
cher(e) et tendre sur un arbre ?
Les premiers graffiti datent de la Préhistoire et l’habitude de graver
les murs s’est poursuivie jusqu’au XIXème siècle avec une fréquence maximale
aux XVIIe et XVIIIe siècles. Seulement par évolution des temps et de
l’architecture, par l’intervention des guerres et la disparition de beaucoup de
bâtiments, la plupart des graffiti dans nos régions ne remontent qu’au 16ème
siècle pour les plus anciens. Cependant, il faut admettre qu’en dehors de
l’inscription d’une date ou d’un nom identifiable dans les archives, il est
très compliqué de dater précisément les graffiti.
L’église de Vattetot-sous-Beaumont possède de nombreux graffiti. En
effet, elle rassemble tous les opportunités pour en faire :
- elle date du XVIIème
siècle
- elle a toujours été
entourée d’un cimetière (or beaucoup de graffiti ont un lien avec les défunts),
- elle est construite
avec de la pierre calcaire tendre (au contraire, les églises en pierre de
Pétreval, beaucoup plus dure, ne comportent quasiment aucun graffito),
- elle est dédiée à Notre-Dame,
à qui on confiait l’âme des défunts,
- à la campagne, mais
proche de la Seine et de la mer, elle réunissait des paysans mais aussi des
marins (grands pratiquants des graffiti en tant qu’ex-voto)
Les graffitis sont des marques réalisées soit à main levée (à portée de
main d’un adulte debout, c’est dans cette position que se tenaient
habituellement les auteurs) ; soit à l’aide d’un compas ; soit en décalquant
avec un objet.
Il existe ainsi 3 types de graffiti :
1/marque d’un anonyme (religieux ou profane) ;
2/marque d’un tâcheron (= d’un artisan) : ces marques sont alors
souvent hors de portée d’un adulte debout et sont parfaitement réalisées avec
des outils ;
3/tombe relevée (généralement ces marques sont réservées aux églises,
exception faite des tombes protestantes, situées dans les propriétés privées).
Ici à Vattetot, nous avons essentiellement des symboles religieux
(croix, calvaires, christ en gloire) ainsi que des cupules (ou perles). Ces
cupules sont des enlèvements de matière qui correspondent à des prières
généralement faites pour des défunts.
Organisées, ces perles s’apparentent à un chapelet. Il y a également de
nombreux cadrans solaires qui semblent pouvoir donner l’heure. En effet, ils
sont orientés comme le grand cadran présent sur le dernier contrefort du mur
sud de la nef.
Le mur nord présente également quelques graffiti, notamment des bateaux
(ici bateau de Seine avec un mas et des haubans). Hélas, exposés aux
intempéries, ils sont bien plus effacés que ceux du mur sud.
En faisant le tour, le long du mur sud, ne pas hésiter à faire
remarquer aux visiteurs le cadran solaire ainsi que les belles moulurations,
avec décor de coquilles, de la pierre en haut des contreforts.
L’intérieur :
L’intérieur de l’église, tel que nous le voyons aujourd’hui date
essentiellement de 1868-1879. Sous l’impulsion du curé Pierre Stanislas Lévêque,
c’est à cette époque que les bancs sont refaits. Les stalles, ainsi qu’une
chaire (aujourd’hui disparue), et le pavage de la nef et du chœur sont achetés
à la paroisse de Sainte Adresse et installées dans l’église. Des travaux de
plâtrage sont également entrepris dans la nef. On en profite pour faire disparaître
les sommiers (ou étais) qui tenait la charpente en berceau (on constatera ainsi
que les murs de la nef tendent à « s’ouvrir »). Les pièces de bois qui descendent
du berceau, vestiges de ces étais sont alors décorés de motifs floraux.
Il faut savoir, qu’autrefois ces étais
étaient décorés de représentations de Saint-Pierre, Saint-Andrieu,
Saint-Jacques le Mineur, Saint-Barthelemy, Saint-Jacques le Majeur et
Saint-Mathieu[4].
D’autres représentations avaient déjà été enlevées lors de la réfection du
berceau en 1731.
Toujours en 1868-1879, on décore
richement l’autel majeur avec nombre d’objets liturgiques et on installe
également des autels latéraux qui seront ensuite démontés.
Comme indiqué à l’extérieur,
l’ensemble des travaux est financé par des quêtes auprès des paroissiens et
surtout parmi les Parisiens d’Etretat.
L’intérieur a été remis en état au
début des années 1990.
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Pour
le détail de l’intérieur, voir le plan joint.
Que dire de plus si ce n’est qu’en 9 siècles
d’existence, la paroisse de Vattetot-sous-Beaumont a offert à l’Eglise 2 curés
et 9 religieuses et qu’elle a accueilli en son sein quelques abbés remarqués : les abbés Grenet, Pradon,
Cuquemelle, Lévêque qui ont participé à l’érection de l’église et son
embellissement, l’abbé Aubourg qui remis en état la statue du Père Eternel, les
abbés Aubert et Poret, auteurs d’un Historique
de Vattetot-sous-Beaumont et l’abbé Alexandre, fameux conteur et auteur du Horsain.
LES SOURCES :
-
Abbé Aubert (et Abbé Poret), Historique de Vattetot-sous-Beaumont,
Imprimerie Durand, 1935.
-
Abbés Bunel et Tougard, Géographie de la Seine-Inférieure,
Imprimerie de Rocquencourt, 1846.
-
Abbé Cochet, Les Eglises de l’Arrondissement du Havre, Imrpimerie de
Rocquencourt, 1846.
-
Commission Départementale des
Antiquités, PV de la visite du 2 mai 1996.
-
A. E. Le Chevalier, Notes pour servir à
l’histoire des communes du canton de Goderville, Gérard Montfort, 1908.
-
Le Valasse, Tome II La Seigneurie
(1157-1791).
[1]C’est
ainsi que de nombreuses familles nobles vont se retrouver ruiner au début du
XVIIème siècle, laissant ainsi place à une nouvelle noblesse, souvent de riches
bourgeois ayant racheté terres et charges aux familles ruinées et devenus ainsi
eux-mêmes nobles. Ces achats permettant l’anoblissement étaient alors appelés
des « savonnettes à vilains ».
[2] Cette
fenêtre existait toujours du temps de l’abbé Cochet.
[3] N’oublions
pas que François de Bailleul fait partie de cette grande famille à qui l’on
doit le très beau château de Bailleul.
[4] Ces statues ont été vues par l’Abbé Cochet.